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Croyances et préjugés

 

 

  Il se dit beaucoup de choses sur les champignons, sur leur apparition, sur leur comestibilité... De génération en génération, un savoir plus ou moins scientifique se transmet, que l'on nomme tradition. Cette accumulation de connaissances émerge du fond des âges ; ce sont parfois des expériences, des observations de bon sens transmises de génération en génération, mais aussi hélas des croyances injustifiées, sans aucune base scientifique.

En voici quelques exemples.

Critères de sortie :

La lune a une influence sur la sortie des cèpes. 

Faux : En tous les cas aucune preuve scientifique solide ne vient, à l'heure qu'il est, étayer une telle affirmation ; il suffit, pour s'en convaincre, de consulter les sites officiels de l'INRA, l'Institut National de la Recherche Agronomique ; vous pouvez également consulter le tableau des sorties que j'ai établi depuis 1995 à partir de mes données personnelles pour savoir si notre satellite naturel a une quelconque incidence sur la sortie des cèpes : une simple analyse vous permettra de conclure que nos champignons peuvent apparaître indifféremment sous toutes les phases lunaires, même s'il semblerait qu'ils aient une préférence pour les phases ascendantes. Ceux qui partent à la recherche des cèpes uniquement à la pleine lune risquent de manquer la plupart des sorties...

 

Le vent empêche les cèpes de sortir, ou : freine leur apparition.

 

Vrai quand il s'agit du mistral, vent du nord frais et très sec, et généralement fort ; il dessèche l'atmosphère ainsi que la couche superficielle de l'humus et des litières ; l'humidité nécessaire au développement du mycélium disparaît ; seuls les cèpes déjà formés sous terre peuvent encore sortir.

Faux lorsque souffle le vent de sud sud-est en provenance de la Méditerranée : celui-ci se charge d'humidité au-dessus de la mer ; ce sont les fameuses entrées maritimes de la météo ou encore le « marin » humide(ou le « Grec ») des Languedociens ; bien au contraire, ce vent humide favorise la croissance du mycélium en particulier dans les coins abrités. Et les fortes précipitations qui l'accompagnent à la fin de l'été et au début de l'automne sont tout bénéfice pour les champignons.

 

Septembre est le mois des cèpes.

Vrai ou faux selon les années : En ce qui concerne les cèpes d'été, ils apparaissent le plus souvent au mois de mai, même s'ils ne sont pas nombreux à cette époque de l'année. Et le mois d'août est le plus prolifique : la récolte la plus abondante depuis 1990 s'est produite en août 1996... et plus aucun cèpe n'est apparu en septembre de la même année. Quant aux têtes de nègre, elles peuvent sortir abondamment aussi bien en juin (forte chaleur après d'importantes précipitations) ou en août qu'en septembre. 

 

Caractéristiques de certains champignons :

 

Les cèpes bronzés ne croissent que sous les châtaigniers.

Faux : Ils croissent aussi et surtout sous les chênes pubescents ou truffiers que l'on appelle parfois chênes blancs. C'est d'ailleurs là que l'on retrouve les plus fidèles boletières.

Les terres brûlées favorisent la sortie des cèpes noirs.

Faux : les sols réchauffés oui, pas brûlés ; un feu ardent appauvrit le sol en faisant disparaître l'humus qui doit mettre des années pour se reconstituer afin de permettre au mycélium du cèpe de reconquérir le terrain perdu.

 

L'apparition des oronges annonce la fin de la sortie des cèpes.

Vrai : La raison en est simple : la formation de l'amanite des Césars est plus lente que celle des cèpes noirs ou d'été : au moins une quinzaine de jours après une forte pluie. Car l'oronge exige un sol encore plus sec et chaud que le cèpe.

Faux : Parfois une seconde sortie de cèpes se produit après l'apparition des oronges.

 

Le meunier (nom courant du clitopile petite prune) annonce une sortie imminente de cèpes.

 Vrai : C'est exact à la fin de l'été ou au début de l'automne, un peu moins en fin de saison. Non seulement les meuniers et les cèpes se suivent de près chronologiquement, mais  ils apparaissent également dans les mêmes stations. Le fait est avéré aussi bien pour les cèpes noirs et les cèpes d'été que pour les cèpes de Bordeaux.

 

L'amanite phalloïde pousse dans les mêmes stations que les cèpes noirs ou d'été.

Vrai : C'est aussi exact pour l'amanite tue-mouches avec le cèpe de Bordeaux. Une seule différence : la phalloïde et la tue-mouches ont davantage de terrains favorables.

 

La trompette de la mort n'apparaît qu'à la Toussaint :

Inexact : La plupart du temps elle apparaît beaucoup plus tôt, mais seuls les spécimens imposants qui ont résisté aux limaces atteignent leur pleine maturité début novembre.

 

Comestibilité :

Les champignons qui bleuissent ou verdissent à la coupe sont mauvais :

Inexact : En tous les cas, pour la plupart, ils ne sont pas toxiques ; le bolet bai et le bolet à pied rouge sont de bons comestibles et pourtant ils se colorent franchement à la coupe ou quand une limace les entame. C'est une généralisation abusive due à la mauvaise réputation du bolet Satan très indigeste qui a marqué les esprits.

 

Le lactaire « délicieux » est le meilleur du genre :

Inexact : Le lactaire sanguin lui est supérieur par la finesse de son goût.

 

Les limaces ne s'attaquent qu'aux champignons comestibles, ou : les limaces ne dévorent que les bons champignons.

Faux, absolument faux, aberrant même. Il suffit de constater à quelle vitesse d'énormes limaces achèvent une amanite phalloïde, le plus mortel (pour un humain) de tous les cryptogames (voir photo) ; et, à l'opposé, elles ne s'attaquent pas aux girolles (sauf lorsqu'elles sont âgées, molles et détrempées). Leur appareil digestif est différemment constitué, il est insensible aux toxines qui se révèlent mortelles chez l'homme. Attention, de telles affirmations sont extrêmement dangereuses et ne vont pas réduire le taux de mortalité effarant de la phalloïde (95% de tous les décès causés par les champignons).

Amanite tue-mouches                                                                      Amanite phalloïde

Limace dans une amanite tue-mouches                   Limace sur une phalloïde

                                     Fausse oronge                                                                                           Amanite tue-mouches                                

 Grosse limace sur une fausse oronge      Tue-mouches assaillie par une limace

 

Croissance :

Une fois sortis, les champignons cessent leur croissance :

Faux : Comme tous les êtres vivants, les champignons, quels qu'ils soient, naissent, croissent et meurent. Voilà pour le principe. Sur terrain nu et découvert, il est possible d'observer la croissance de champignons qui naissent minuscules tels que les girolles, les trompettes de la mort et même les pieds de mouton (mais si, mais si !) : en les examinant minutieusement, on comprend vite que leur croissance est lente mais sûre, à preuve le pied de mouton qui peut devenir géant après des mois de croissance, en général en hiver, à l'abri des litières de feuilles ou d'aiguilles agglomérées.

Quant aux cèpes, si on a l'illusion qu'ils apparaissent soudainement, en fait ils croissent d'abord sous terre, la preuve ? Eh bien, prenons l'exemple des têtes de négre dont les stations sont très fidèles d'une année à l'autre : si l'on anticipe correctement leur apparition, environ 10 jours après une forte précipitation à la suite d'un temps chaud et lourd, on aperçoit dans la boletière de grosses limaces qui rôdent, attirées par l'odeur appétissante et déjà à la recherche du moindre interstice en surface qui leur permette d'atteindre le repas exquis qui les attend sous terre ; voilà pourquoi, lorsque les cèpes noirs émergent enfin, leurs pieds et leurs cuticules sont souvent déjà entamées par les limaces.

Dans les conditions normales de température et d'humidité, tous les genres de cèpes naissent avec une tête au diamètre d'environ 5 cm et un très gros pied ; le pied progressivement s'allonge tout en s'affinant en même temps que la tête s'élargit.

Vrai dans certaines situations peu communes : quand deux ou trois cèpes (ou davantage) apparaissent tout près les uns des autres, ils se disputent leur subsistance et c'est à ce moment là le plus puissant qui jouera le rôle de dominant et privera les autres de leur substance vitale ; les plus faibles cesseront leur croissance faute de réserves et pourriront très vite ; qui n'a pas tenté l'expérience suivante : cueillir le plus beau cèpe d'un groupe très rapproché et dissimuler les autres sous une épaisse litière afin qu'ils poursuivent leur croissance sans encombre ? … et quelques jours plus tard les retrouver au même endroit toujours petits, flétris, ramollis ou même en voie de décomposition ?

Dans des cas plus rares, deux concurrents très proches ne parviennent pas à se départager et poursuivent leur croissance ensemble ; ils nous offrent alors le spectacle original de deux cèpes siamois, accolés l'un à l'autre et ayant la même taille.

 

 

Si on déterre entièrement le pied d'un cèpe, il empêche une nouvelle sortie en cet endroit à l'avenir :

Faux : C'est comme si l'on disait qu'en cueillant une cerise avec sa queue, on compromet une bonne récolte l'année suivante. En effet, le mycélium d'un champignon forme un immense réseau souterrain comparable à un arbre aux multiples branches dont certaines se terminent par un fruit : le champignon. L'habitude de couper les pieds est d'abord un souci de propreté ; mais si on le déterre entièrement, cela ne compromet en aucun cas les récoltes futures.

 

Un sol régulièrement piétiné est préjudiciable à la sortie des champignons :

Faux : Certains champignons préfèrent même les sols bien tassés ; par contre la plupart ne se remettent pas de sols excessivement et régulièrement labourés par certains quadrupèdes, en particulier par les sangliers... ou par certains bipèdes irrespectueux de la nature ! Les têtes de nègre se trouvent souvent le long des chemins, parfois même au milieu des sentiers. Certains agarics sont capables de soulever le macadam des vieilles routes.

 

Certains champignons se font rares car on les récolte excessivement :

Faux : Chaque champignon dissémine dans la nature des millions de spores, quelques sujets âgés suffisent donc à perpétuer l'espèce. Et le réseau immense du mycélium souterrain reste intact.

 

Un cèpe ne grandit plus une fois qu'une personne l'a vu : cela nous laisse rêveur... Après tout, pourquoi ne pas apporter une touche poétique à la rigueur scientifique ? « La poésie est le plus joli des mensonges »!

 

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